Project Details

Description

Le projet PROXITER (Dimensions territoriales des politiques de gestion des déchets : la construction d‟un régime de proximité) a été conduit à partir de trois principaux terrains d‟étude situés en France que sont le département de l‟Isère, le département d‟Indre-et-Loire et la ville de Lyon. Ce dispositif a été complété par quatre terrains d‟étude extérieurs à la France : la ville de Malmö en Suède, la ville de Turin en Italie, la ville de Liège en Belgique et l‟agglomération de Barcelone en Espagne. La stratégie de recherche adoptée n‟avait pas pour objectif de proposer une analyse comparative des situations observées en France et dans les quatre autres contextes nationaux retenues dans ce projet, mais de mettre en perspective les situations observées en France à partir des situations observées à l‟étranger selon le principe de l‟histoire croisée. Si l‟Union européenne possède un effet unificateur en imposant à ses États-membres un même cadre réglementaire de référence dans le domaine des politiques publiques des déchets, la mise en oeuvre de celui-ci dépend étroitement des orientations dominantes de chaque État membre dans le champ des déchets et des choix des collectivités territoriales en matière de gestion et de traitement.

Le projet PROXITER s‟attache à analyser l‟introduction de la proximité dans la gestion des déchets à différents niveaux et par différents acteurs, et la manière dont ce principe structure dans l‟espace les relations entre pouvoirs publics, opérateurs industriels et citoyens. Il fait l‟hypothèse que, dans le domaine de la gestion des déchets, les politiques publiques comme les actions collectives contribuent à l‟existence d‟un « régime de proximité », soit une manière d‟organiser la gestion des déchets dans lequel l‟espace qualifié de proche est doté de valeurs par différents types d‟acteurs (pouvoirs publics, habitants, opérateurs industriels, collectivités territoriales) sur la base desquelles ils cadrent leurs actions et prennent position dans le débat public sur les déchets. La notion de « régime de proximité » a été développée en référence aux travaux, d‟une part, de François Hartog et Gérard Lenclud (« régime d‟historicité ») et, d‟autre part, de Laurent Thévenot (« régime d‟engagement »). L‟existence de ce régime de proximité ne signifie nullement que tous les acteurs se plient aux exigences de la proximité promue par la réglementation déchets ; ils agissent néanmoins dans un contexte où la proximité constitue un mode de justification, une règle du jeu plus ou moins contraignante ou une valeur pouvant être mise au service de projets différents voire concurrentiels. De même, l‟existence du principe de proximité est également identifiable au travers des stratégies de certains de ces acteurs pour le contourner ou le vider de tout effet. Ces actions peuvent être divergentes, mais elles se combinent les unes aux autres pour produire des modalités spécifiques de localisation et de territorialisation des politiques publiques de gestion des déchets. La notion de « régime de proximité » est mobilisée comme un instrument pour penser la pluralité des formes d‟expériences de la proximité liées aux politiques publiques de déchets, et pour articuler différentes conceptions du rapport à la distance (selon que l‟on se place au niveau institutionnel, des riverains, des opérateurs industriels) à différentes échelles et à différents moments. La notion de régime de proximité est donc envisagée comme un instrument pour penser le rapport d‟une société à l‟espace qualifié de proche et les expériences collectives (de nature politique, symbolique, pratique) que ce rapport rend possible. Il ne s‟agit pas de considérer que l‟ensemble des actions publiques ou collectives liées à la gestion des déchets relèvent strictement d‟un régime de proximité, d‟autres régimes d‟action coexistent, d‟autres logiques peuvent s‟opposer à la généralisation de la proximité comme valeur et cadre d‟action. Comme les régimes d‟historicité identifiés par François Hartog, il convient de penser les choses en termes de coexistence avec d‟autres régimes, de rapports de tensions et non de mutations ou d‟exclusives.

Cette hypothèse a été travaillée à partir de l‟identification de quatre types de situations dans lesquelles nous pouvons observer autant de registres de proximité : a) La proximité institutionnelle comme planification locale et gestion des déchets ; b) La proximité fonctionnelle comme forme de territorialisation de la politique des déchets ; c) La proximité contestée comme source de conflits ; d) La proximité militante comme expérience collective de la proximité.

Six conclusions principales peuvent être tirées à l‟issue de ce projet de recherche :
1) La proximité conduit à renégocier le rapport dialectique distance/contiguïté avec les déchets tel qu‟il s‟est constitué dans les villes européennes depuis la fin du XIXe siècle (déresponsabilisation des usagers sous l‟effet de la mécanisation et de l‟industrialisation de la gestion des déchets) dans la mesure où les politiques publiques visent à réintroduire un rapport de proximité des usagers avec les déchets (tri sélectif de plus en plus contraignant, compostage à domicile) qui a longtemps été géré par la mise à distance. La mise en oeuvre du principe de proximité et les transactions auxquelles celle-ci donne lieu au regard des logiques économiques (valorisation des matières sur un marché globalisé) et des logiques institutionnelles (définition de périmètres) contribuent à la mise en connexion de plusieurs espaces à l‟origine séparés : l‟espace du domicile, l‟espace de l‟incinérateur, l‟espace de l‟usine de recyclage, l‟espace du compost collectif.
2) Si le principe de proximité est un élément structurant des politiques publiques des déchets, celles-ci n‟en donnent pas pour autant une définition formelle. Ce que produisent ces injonctions s‟apparente ainsi dans la pratique à l'ouverture de scènes locales de débat où acteurs locaux (société civile, industriels, riverains) et pouvoirs publics interagissent pour en définir les contours et les modalités de mise en oeuvre de la proximité. L'imputation de responsabilités au plus proche de la production des déchets introduit une nouvelle place pour les individus et les ménages.
3) Les tentatives territorialisation de la proximité manifestent le passage d‟une responsabilité individuelle à une responsabilité collective à l‟échelle d‟un sous-ensemble spatial : agir au nom de la proximité contribue à la construction d‟un sentiment d‟appartenance collective à un territoire, et donc d‟un sentiment de solidarité et de responsabilité au regard de la prise en charge des déchets. La proximité est un vecteur de valeurs (de solidarité, de sociabilité, de responsabilité, d‟engagement, de justice, etc.) qui contribuent à promouvoir un projet de société que nous définissons ici comme une « citoyenneté du proche ».
4) S‟il existe un principe promu par la réglementation (traiter les déchets au plus proche de leur lieu de production) on constate sur le terrain une pratique qui lui est fortement éloignée : la définition pertinente de la proximité est redéfinie en fonction du coût et de la valeur des déchets. À la rationalité environnementale promue par la directive 2008/98 s‟oppose la rationalité économique car les objectifs de valorisation priment sur le traitement local. Cet aspect a été tout particulièrement mis en évidence par le cas suédois qui montre comme souvent les UIOM sont les points d‟arrivée de flux de déchets ayant parfois parcours des milliers de kilomètres.
5) La confiance est un élément constitutif du système de gouvernance des déchets. Nos cas d‟étude montrent que la confiance placée dans les usagers par les pouvoirs publics fonctionne avec une « coercition douce » associant contrainte et surveillance, prenant notamment la forme de vérifications (du bon respect des consignes de tri par exemple) opérées par les employés chargés du traitement des déchets ainsi qu‟un fort contrôle social au travers d‟une surveillance mutuelle (entre voisins, entre copropriétaires). La confiance des usagers dans les pouvoirs publics est intimement liée à la crédibilité et repose sur un jugement en lien avec une expérience positive : les usagers s‟investissent dans le recyclage ou le compostage parce qu‟ils sont en mesure d‟anticiper les bienfaits qu‟ils vont retirer de la politique des déchets promue par les autorités. Dans ce contexte, les infrastructures de traitement des déchets ne sont pas perçues comme des industries polluantes mais comme des industries contribuant à l‟amélioration de la qualité de l‟environnement.
6) Dans cette perspective, la proximité a été envisagée non comme la distance entre deux points mais comme un espace où s‟opèrent des transactions avec la distance pour rendre opérationnel le service de traitement des déchets conformément à des prescriptions réglementaires et à des principes généraux (protection de l‟environnement, préservation des ressources, etc.), mais également des transactions où les collectifs mobilisés mettent en débat les conditions de leur cohabitation avec ce qu‟ils voudraient refuser. La proximité revient, dans la pratique, à créer une juste distance. L‟idée de justice étant ici conçue dans son acceptation spatiale (une répartition équitable des équipements de traitement des déchets dans l‟espace), sociale (un partage équitable des bénéfices de la valorisation des déchets aussi bien matériels comme l‟alimentation du réseau urbain de chauffage qu‟immatériels comme l‟amélioration de la qualité de l‟environnement) et économique (rechercher la modalité la plus rentable de la valorisation des déchets au regard des logiques du marché). Le principe de proximité se constitue donc comme une notion souple, une valeur vers laquelle tendre, un cadre d‟action souhaitable, mais dont l‟application est essentiellement définie par la territorialisation des politiques locales des déchets suivant le critère de bassins de chalandise de déchets (comme en France) de bassins de vie (comme en Belgique) ou de l‟application d‟un principe d‟économie d‟échelle. On observe un double mouvement de délimitation de périmètres de décision et d'action et de transgression de ces périmètres par des flux de déchets qui répondent en partie à d'autres logiques. Ce sont donc les interactions autour du déchet qui produisent l‟espace de sa gestion et implicitement la proximité ou la distance, en fonction des propriétés qui lui sont reconnues (ressource, produit ou rebut). Si la proximité est un cadre pour l‟action, le périmètre de sa mise en oeuvre n‟est donc pas figé. Le périmètre de gestion, non stabilisé, semble se définir en fonction des interactions entre les acteurs en présence suivant la recherche d‟un équilibre négocié entre différents impératifs (économiques, institutionnels, environnementaux et idéologiques) et dont l‟échelle est à définir.

Popular science description

Le projet PROXITER s‟attache à analyser l‟introduction de la proximité dans la gestion des déchets à différents niveaux et par différents acteurs, et la manière dont ce principe structure dans l‟espace les relations entre pouvoirs publics, opérateurs industriels et citoyens.
Short titleThe territorial dimension of waste policies
StatusFinished
Effective start/end date2013/01/012016/11/15

Free keywords

  • waste management
  • Proximity